V.I.P.(Testament)

Informations

Distribution : 1 actrice   OU   plusieurs acteurs/trices

Éditions Lansman

Résumé

À votre arrivée dans la salle de spectacle, une actrice vous accueille aimablement. Elle vous incite à la détente en passant en revue toutes les modalités de votre installation. Cependant, à chaque fois que la pièce pourrait commencer ressurgit le même souci : comment vaincre le décalage de la langue, comment ressentir au même moment les mêmes sentiments, les mêmes sensations…

Extrait

Ça commence déjà. Au premier morceau du premier corps qui passe la frontière du Lieu, au premier spectateur qui pose un pied au-delà du seuil.

 Elle assiste à l’entrée de chacun, elle les assiste dans leur entrée. Avec Amour, Chacun devient Quelqu’un. Quelqu’un des spectateurs doit sentir qu’elle est là, qu’elle l’attend, Lui, Elle, précisément. Si elle s’intéresse à eux, c’est pour les intéresser. Mais cela viendra plus tard.

 Même si elle est dans le fond du théâtre, loin du premier rang, elle accompagne et commence à se rapprocher de chacun par un silence attentif, enveloppant.

 Pas d’énervement, pas d’ennui, pas d’agacement, aucun geste commentaire. Pas d’impatience, elle savoure la présence de chacun. Dans le silence. Jusqu’à ce que tout le monde soit assis, les portes fermées.

 Alors elle commence à dire ce qui vient et que cela. Et quand elle commence à parler, ce n’est pas le début du dialogue.

 

Mettez-vous n’importe où, mais installez-vous bien.

Si vous n’entendez pas, si vous ne comprenez pas tout, ou si vous avez du mal à suivre, ne vous inquiétez pas, ce n’est pas grave, je ne ferai que me répéter. Oui c’est moi qui vais jouer. Je suis dans la lumière.

Installez-vous confortablement. N’importe où mais confortablement. Confortablement. Comme pour longtemps.

Je me répète, je le sais. Je me répète à cause d’un intervalle.

C’est moi qui vais jouer. Mais je ne vais pas jouer toute seule. Et nous n’allons pas jouer ensemble. Il n’y a que moi qui joue.

Oui, oui, je vais jouer. Me répéter. Répéter des mots. Répéter des mots connus. Si je répétais des mots inconnus, vous ne sauriez pas que je les répète. Et je ne pourrais pas les répéter puisqu’en les répétant ils deviendraient connus. Il faudrait à chaque fois en trouver de nouveaux. Vous ne sauriez même pas de quoi je parle.

Alors vous n’entendrez pas ici un mot que vous ne connaissiez déjà. Puisque tout a été dit. Ce sont les mêmes mots. Redits. Dans un ordre nouveau. De route façon, toujours.

Je ne peux que les répéter. Déjà je les répète. Dans un autre ordre.

Je vais jouer…

Ça monte comme de la fièvre.

Quelque chose de pourri au Royaume de Danemark. Il était une fois. Si jamais tu as besoin de ma vie, viens la prendre. Un … deux … trois … , nous irons au bois. Le deuil de ma vie. Mon fils, tu tournes mes yeux sur le fond de mon âme, et là, je vois des taches si noires et si mordantes qu’elles ne veulent point s’effacer.

Silence

Des mots connus … Références embrumées … insaisissables mots, immémoriaux.

J’abreuverai vos oreilles d’une bouillie pré-comprise. Les phrases, vous les aurez entendues, ou lues, au moins une rois, même si c’est par hasard, même si ce ne sont pas les mêmes mots pas clans le même ordre. Rien qui vous perturbe. J’aurais trop peur. Je ne ferai que régurgiter, pour vous, une matière facile. Même apathiques vous m’êtes précieux. Mettez-vous n’importe où, mais confortablement.

Silence.

Vous espériez autre chose. Il est peut-être encore temps de vous faire rembourser. Est-ce possible? Ah non, c’est trop tard. Tant pis pour vous. Mettez-vous n’importe où.

Mais attention au confort de votre siège. Mis à part le prétexte culturel, c’est la seule chose importante ce soir.     (…)

Mise en scène

17 janvier 1995,
Alain Sionneau,
Théâtre de la Balsamine-Bruxelles
code & design : tchiktchak